lundi 19 août 2019

En route pour le Japon - face A

En fait, je n'ai jamais vu un seul épisode de Dragon Ball, je n'ai jamais lu un Naruto et je n'ai jamais joué à un Final Fantasy.
Par contre, j'ai un certain bagage en cinéma, de Kitano à Kore-eda, quelques Ozu, Kurosawa, Miyazaki et Takahata. Mais surtout, c'est le regard d'autres cinéastes qui ont forgé mon imaginaire sur le Japon. Chris Marker, dans Sans Soleil que je revois régulièrement et qui me transporte toujours avec la même émotion, propose un regard occidental teinté d'une bienveillance que j'ai toujours crue sincère, dans sa volonté de partager une vision objective et surtout réelle, d'un Japon contemporain.
Enfin, voilà, je n'ai jamais été "japonophile".

C'est pour ça que quelques semaines avant de partir, m’apercevant que tout le monde y est déjà allé, qu'internet déplore le tourisme de masse au Japon et qu'il devient mal vu de voyager en avion, je suis envahi par un sentiment de culpabilité quant à ce voyage, pourtant prévu depuis 2 ans.

"Pourquoi vas tu "faire le Japon", toi qui n'a pas de lien réel avec ce pays ?"

J'ai bataillé et trouvé ma réponse. 
Après mon expérience cubaine, j'ai beaucoup d'appréhension à changer de statut. Je n'ai plus envie de me retrouver touriste, blanc, occidental, possédant, argenté et sollicité. Je veux me contenter d'être touriste, blanc, occidental. Ce qui résume simplement mon statut de touriste au Japon. C'est suffisant et plus facile à vivre.
Cette histoire de statut d'abord, et puis cette envie de trouver une autre culture, une autre civilisation que justement je ne connais pas ou très mal. En tout cas, je ne suis pas parti en "sachant". Il y avait donc tout à découvrir, et c'était franchement très excitant !


Nous sommes arrivés dans un pays moderne, dont les infrastructures et le niveau global de vie sont de prime abord semblables à ceux d'Europe.
"De prime abord".




Nous sommes arrivés la semaine précédent les vacances au Japon. Dans les rues, dans les gares et les trains, les gens sont habillés pour le travail de façon uniforme. Les touristes bigarrés, colorés et mal élevés sont tout de suite remarqués. Nous devons deviner, trouver et apprendre à nous conformer aux habitudes de la vie quotidienne qui sont assez différentes des nôtres. Mais comme l'environnement est similaire, ce n'est pas si évident.
Nous sommes en premier lieu frappés par la précision et la ponctualité des transports en commun. Bien que privatisés, leur coordination est exemplaire, ainsi que leur efficacité. Rien n'est aléatoire, tout est calculé, nos trajets seront orchestrés à la minute près.
Les billets sont chers, mais le service est parfait. Aussi, dans l'espace public les toilettes sont nombreuses, gratuites et propres. Comme les points d'eau. Ce qui est nécessaire à l'humain en fait.
Et puis il y a des bancs aussi, beaucoup, tout le temps. Sans doute parce qu'il y a beaucoup de vieux. Par contre il n'y a pas de poubelles, nulle part. De toute façon, personne ne boit, mange, grignote ou fume dans la rue, même si elles sont envahies de distributeurs de boissons.
Ces détails anodins peuvent paraitre futiles, mais en vérité ils sont essentiels pour des touristes en vacances car ils représentent des besoins vitaux.









En sortant du métro, nous sommes écrasés par l'atmosphère. Il fait 35 degrés et le taux d'humidité à Tokyo avoisine les 80%. Nous n'étions pas prêts malgré la canicule française... Avec le décalage horaire, ça fait beaucoup. Nous mettons deux bonnes journées pour nous habituer et reconsolider nos esprits. Heureusement car nous devons affronter un nouvel élément. Le peuple.

Pour l'instant les japonais sont au travail. Les lieux que nous visitons sont alors remplis de touristes occidentaux mais aussi principalement de touristes asiatiques. Notre voyage sera alors composé de deux phases de découverte distinctes:

- le tourisme de masse
- l'extraction de la masse

La première consiste à visiter les lieux nommés dans les guides. Temples, sanctuaires, monuments à ne pas louper sous peine de ne pouvoir dire que nous avons "fait le Japon".
La seconde consiste à trouver un endroit original, souvent non présent dans les guides, demandant un effort particulier et offrant une récompense gratifiante.
Je ne vous cacherai pas que ma phase préférée est la seconde, bien que la première soit nécessaire afin de pouvoir l'apprécier pleinement. Cela nous a permis de temporiser notre voyage en alternant les visites, nous donnant la possibilité de respirer et de porter un regard le plus complet possible.

Ces phases alternatives seront détaillées dans un prochain article, intitulé

"Guide du funiculaire végétarien au Japon".


L'itinéraire que nous avons parcouru a pu être effectué dans son intégralité en transports en commun. Nous avons même réalisé un "Bingo" quasi exhaustif des transports en commun au Japon. Il ne doit nous manquer que le monorail, même si nous en avons vu.

Voici, dans les grandes lignes, le trajet que nous avons fait: 





Heureusement, le Japon propose aux touristes un pass rail, le JR pass. Il permet, pour un temps donné, de disposer librement et uniquement des lignes JR, qui constituent les lignes du réseau principal, jonction de villes et Shinkansen (TGV). Le tarif est solide, 300e pour deux semaines, mais lorsqu'on traverse le pays, il est vite rentabilisé.

Arrivés à Tokyo, nous avons visité Nikko puis nous sommes partis à Kyoto. Ensuite, un passage à Nara, une nuit à Koyasan, et quelques jours à Hiroshima. Pour revenir à Tokyo.
Je pourrais détailler l'intégralité du séjour, jour par jour. Mais vous pouvez voir ce détail sur mon instagram, c'est riche, dense et sans concessions.
Je pourrais aussi m'étendre sur l'impact émotionnel et sensationnel que ce voyage aura eu sur notre vie.

Je vais me contenter de commenter quelques photos.


 


Celle ci est une de mes préférées. Prise à Nikko, au pied du Toshogu, le mausolée du premier Shogun.
Cette famille semble japonaise, composée des grands parents et des petits enfants, les parents étant au travail. Pour je ne sais quelle raison, ils transfèrent du jus d'orange dans un thermos, puis ils le partageront. Cet endroit est une sorte de halte, des bancs disposés sous un appentis, juste avant les escaliers du sanctuaire. Dans le distributeur au fond, il n'y a que des canettes de thé glacé, vendues 120 yens.
J'aime cette photo car on y perçoit l'attente polie des enfants et l'attention que leur portent les grands parents. Elle représente bien l'ambiance familiale qui émane des groupes de japonais. Cette même ambiance qui nous accueille dans les petits lieux, restaurants ou auberges, qui sont gérés par une famille qui se plie en quatre pour ses clients.






Celle là aussi est prise à Nikko. Mais il s'agit d'un petit cimetière loin des sanctuaires. Au sud ouest du village se trouve un chemin isolé qui même à des rapides. Si ce chemin est bordé de statues, il accède aussi à cet endroit. La pluie venait de tomber, la température avait chuté et l'atmosphère était très particulière. 
Ce sont ces petits détours qui ont forgé pour moi l'image d'un Japon surprenant, toujours multiple selon l'approche.






J'aime beaucoup celle là aussi. Elle est prise à Kyoto, au Fushimi Inari Taisha. Ce sanctuaire est érigé sur un mont, on y accède en suivant le chemin marqué par une succession de milliers de Toris. Il y a plusieurs étapes avant d'atteindre le sommet.
J'ai croisé plusieurs fois ces deux adolescents qui grimpaient très rapidement les escaliers. Ils s’arrêtaient exténués à chaque palier pour repartir de plus belle. Celui en bleu vient d'arriver et montre à son ami en vert le chemin qu'il leur reste à parcourir. L'autre s'appuie sur lui en rigolant, essoufflé...
Cet endroit est aussi le plus célèbre et le plus visité de Kyoto, même si je doute que tout le monde atteigne son sommet.





Anna et Mariko devant le dôme d'Hiroshima.
Mariko est une japonaise, bénévole pour une association américano japonaise qui participe au devoir de mémoire en faisant rencontrer les touristes et des Hibakusha, des survivants ou descendants de survivants de la bombe atomique. Mariko n'est pas Hibakusha, elle est Kyotoite, mais elle nous a fait la visite du Memorial Parc de Hiroshima en nous racontant et expliquant chaque monument. Il faisait très chaud et ce devait être le jour le plus chargé, le premier dimanche des vacances. Mais son travail a été très utile et Hiroshima a été une étape essentielle de notre voyage.
Auparavant, le matin, nous avons rencontré un homme qui avait 6 ans en août 1945. Il nous a raconté son histoire et celle de son père qui travaillait a Hiroshima le matin de la bombe et qui a survécu. 



Bien évidemment, ces quatre photos ne racontent pas les plats de ramen, les changements de train, les réveils à 6h30, les déjeunettes au chocolat, les files d'attente, les touristes espagnols, les bières fraiches, les boules de riz, les figurines Totoro, les chausses pieds et les cafés glacés. Mais au bout d'un moment, il faut laisser les souvenirs dans la tête.




Nous remercions nos amis, nos familles qui nous ont permis d'effectuer ce voyage, de le préparer et de le financer. C'est un privilège d'être entourés de gens comme vous. Nous espérons pouvoir un jour vous rendre la pareille.

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