jeudi 5 avril 2018

Sois prêt joueur numéro 1.

*Attention, cet article contient des traces de divulgachage !*

Je n'ai pas lu le livre.
Je n'ai pas lu les critiques.
Je n'ai pas écouté mes amis.

Je suis allé voir Ready Player One en ayant en tête un film sur le jeu vidéo, réalisé par celui qui représente la quintessence du cinéma américain, sans en connaitre ni du synopsis, ni de rien du tout. Et c'était difficile d'arriver jusque là avec ce niveau de pureté.

J'avais des attentes. D'abord parce que jeu vidéo et cinéma ne font pas bon ménage, ensuite parce que, merde, Spielberg. C'est pas le dernier des pingouins, quand on dit "réalisateur de cinéma" au quidam, il répond "Spielberg".
Les adaptations de jeux vidéo, on en a souffert. Max Payne, Hitman, Tomb Raider, WOW, Street Fighter et même, oui, Mario. Certes, il ne s'agit pas de Limbo, Baldur's Gate, Monkey Island ou bien Undertale, donc pas évidente de faire dans le délicat voire subtil. Mais quand même, quelle chierie. Tant d'énergie pour tant de navets, c'était désolant.
Et puis nous avons eu les films sur le jeu vidéo. Directement ou indirectement. Je n'en retiendrai que ce film qui a su capter l'essence du plaisir vidéo ludique, en passant comme ses collègues par le triple A. : Edge of Tomorrow.
Sans en être il nous faisait vivre le jeu vidéo, avec ses enjeux, ses mécaniques et ses défauts. Pourtant à aucun moment il ne nous crie au visage " I COEUR VIDEO GAMES AND 80's POP CULTURE !!!"

Cette déclaration d'amour à la pop culture américaine des années 80 et 90 est le premier écueil visible dans lequel se vautre et se répand RPO. Plutôt que d'entamer une approche subtile, par une allusion ludique ou une mise en scène référencée, RPO nous projette son dégueulis visuel et sonore de références plus ou moins directes aux produits culturels américains de consommation de masse des 80's à nos jours.
Et ceci sans détours, sans compromis, sans laisser au spectateur le temps de réfléchir et de réveiller en lui l'allusion et la surprise. Il n'y a aucune satisfaction à reconnaitre telle ou telle référence, puisqu'elle est évidente et non induite, ni même recherchée. Certes le film doit regorger d'allusions cachées, mais l'absence de réflexion nécessitée pour ingurgiter les premières et le manque de temps disponible pour les assimiler éclipsent les secondes. On a pas le temps de fouiller, de se laisser corrompre pour se faire flatter.
J'ai eu l'impression que l'on me servait une soupe à base de fan service et de placements produits digérée, sans faire appel à mon intelligence ou à mon expérience culturelle.
Oui, j'ai franchement eu le sentiment d'être pris pour un con.
C'est peut être prétentieux, mais ce nivellement vers le bas n'incite pas à s'ouvrir à l'intrigue, enveloppée dans sa fourrure brillante de milles smileys kikoo trop geek.

Ah si, j'ai souri car j'ai reconnu la formule magique de l'orbe, entendue dans un film que j'ai vu pour la première fois il y a quelques semaines.
Un film de...1981. 

Passées les références, on pourrait s'attendre à ce que le film s'enroule autour d'un gameplay, celui du jeune homme se transposant dans une réalité virtuelle par le biais d'une installation et d'un avatar, le faisant voyager parmi plusieurs modes de jeux, ceux qui ont fait le jeu vidéo et qui continueront d'en structurer le plaisir de jouer, par la variation des possibles.
Mais aucune variante ne vient troubler le cadre imposé, celui d'un gigantesque MMO où chaque individu évolue parmi une réalité parallèle de type AAA vanilla, sans autre but que celui de se divertir d'une réalité réelle vécue dans un monde dystopique.
Et on ne peut pas franchement dire que cela constitue la frange la plus réussie de l'univers des jeux vidéo. Elle est actuellement la moins variée, la plus décriées et la plus commerciale. Ne resterait alors t-il qu'elle en 2040 ? ce n'est pas si loin pourtant.
Donc Spielberg n'a pas choisi la VR par hasard. Il l'a mis en place pour répondre au besoin scénaristique, la course continue entre les deux mondes parallèles et pour attaquer cette seconde réalité. Si c'est le cas dans le livre (je ne sais pas je ne l'ai pas lu), il s'agit alors d'une vision de l'avenir du jeu vidéo bien morose et étriquée, alors qu'il semble actuellement prêt pour devenir le loisir principal des générations futures.
Dans ce monde parallèle, le héros choisit de partir à la recherche de l'Easter Egg dissimulé par le créateur. Quête résolue en 2 coups de cuillère à pot, par les fulgurances du héros, dont le cerveau ne semble pas si ramollit par tant de vidéoludisme. C'est dommage, baser le film sur cette quête aurait été intéressant.
Mais non, Spielberg préfère explorer les 15 pistes que lui offrent l’œuvre littéraire de base. Pour contenter tout le monde ? Non, c'est bien trop, TOO MUCH comme ils disent. On a alors le droit à une intrusion dans l'Hotel Overlook de The Shining. A une romance rapide entre deux individus potentiellement moches et introvertis mais en fait non ils sont beaux et courageux. A une lutte des "gamers" contre la corporation méchante qui veut le pouvoir. ET SURTOUT à la prise de conscience que ce monde virtuel n'est pas suffisant, qu'il faut vivre la vie réelle.

STOP

Tu choisis un sujet, et tu le développes. Tu fourres pas tout en dedans avec un joli paquet cadeau "geek".

En vérité, après avoir présenté et fait vivre un peu l'avatar du héros dans son monde virtuel, la mise en scène opère un retour au réel où le jeune homme interagit avec ses semblables, pour des raisons qui, elles aussi, auraient mérité un film (il se rend compte qu'au delà des avatars il y a des gens et que sa famille est détruite par la société dans laquelle ils vivent).
Ici j'ai décroché. Mon cerveau a dit stop, j'ai moi aussi posé mon masque et j'ai commencé à m'ennuyer, ne voyant que du brassage d'air inutile et du dollar qui brule.

Je pourrais encore écrire sur le propos final, qui est niais, navrant et indigne d'un travail de quelqu'un qui est censé aimer le jeu vidéo. Mais il est tellement mal servi par le reste qu'il résonne encore dans la vacuité du film.
Je suis triste au final, d'avoir assisté à un film que ma collègue m'a conseillé en me disant "va le voir, toi qui aime le jeu vidéo". Cela veut dire qu'encore, pour elle et pour tout les gens qui ne connaissent pas grand chose au jeu vidéo, cette foire à tout leur aura délivré le même message grotesque qu'on nous sert depuis 30 piges.

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